Il est exactement 17h12.
Depuis que j’ai quitté la table de ce midi, l’idée de ce plaisir volé se balade dans tous les moindres confins de mon cerveau. #idéefixe
Et entre deux mots, des sourires, des paragraphes et des pensées, cette idée s’est transformée en obsession. Comme un truc, qui vous bouffe de l’intérieur, et auquel vous n’échapperez pas.
Chocolat…
Ce soir, alors que ma journée a été bien remplie, je vais me faire plaisir. Je vais m’offrir du chocolat noir comme récompense à ma petite personne. Mais, pour que cela ne dégénère pas en orgie d’orfraie, je vais le déguster en pleine conscience.
Je ne suis pas une adepte du sucre. Mon palais a du mal avec la douceur. La douceur m’écœure… Bizarre…
Mais c’est pas du sucre le chocolat, si? Quand on l’aime noir. Corsé. Avec des notes de bois fumés et de noix grillées. Encore un peu vert. Voir même amer. Les latino-américains me transportent. Toutoutou, toutou, toulou…. [wp-svg-icons icon= »music » wrap= »i »]
Je crois que l’idée même de cette dégustation vient du fait que j’ai acheté une de mes tablettes favorites. Elle est là, dans la réserve dédiée. Vivani ou l’art du chocolat….. Mêler de la poésie à la bouffe et c’est le buzz assuré. J’adore les emballages, avec les peintures abstraites pour chaque paquet.
Et donc, c’est comme le pot de pâte à tartiner pour certains. Je sais qu’elle est là, et qu’à un moment, il va falloir en découdre. Et je crois que j’aime cette idée de lutter pour mieux céder.
Alors voilà que depuis midi, je me suis faite cette promesse d’une dégustation dans l’instant présent. Cette méthode devrait être connue par tous, mais surtout des personnes en guerre avec le plaisir gustatif, l’hyper contrôle de la nourriture, la peur des aliments tabous. Ou encore celles en guerre contre elles-même à coup de régimes amaigrissants, qui vous font perdre la notion du bonheur des sens contre la culpabilité.
La pleine conscience, c’est apprendre à profiter, sans aucune répercussion. Enfin si. Celle de gérer sa faim et son bien-être. Manger dans le calme et la sérénité et intégrer que l’aliment est une source de nutriments et non pas un ennemi. Rituel de prise de conscience, qui devrait s’inviter à table, tous les jours. La pleine conscience, c’est favoriser le maximum de conditions pour se concentrer sur la dégustation.
On va vivre ce moment ensemble. Lisez-le comme un roman, lentement.
1 – Le toucher
Alors que j’ai balourdé les talons d’un côté et le pardessus d’un autre, je détache mes cheveux. Je passe les doigts dedans pour les ébrouer en tout sens. Rapide massage crânien au passage. Lavage des mains. Je vais chercher cette jolie tablette de chocolat, dans le buffet en bois blanc de l’entrée. Il n’y a pas de bruit dans la maison, je suis seule. Les chats sont tout douillets. Gypsie dort, enroulée dans sa chaleur. Scotch danse une valse étroite avec mes pieds. Je m’assois sur le canapé et dépose mon trésor sur la table basse. Scotch foule le plaid et dans un demi-tour gracieux me présente son bidou. Cependant, son œil droit n’est clos qu’à demi. Il a vu la tablette. Il sait ce que signifie la présence de cette chose sur la table. Un bout de papier d’alu sera probablement à piquer à un moment donné…..
Le papier de ce petit trésor est super doux. Il est un peu frais cependant. Il n’était pas dans le frigo – sacrilège des sacrilèges – mais les températures sont encore fraiches en ce moment. Je caresse le papier, tourne et retourne cette merveille. Je regarde l’arrière et comme chaque fois, je me surprends à lire la composition sur l’emballage. C’est une déformation professionnelle, on va dire… Je la tourne à nouveau, je trouve le pliage parfait. C’est fou comme on peut sublimer un instant de plaisir à venir.
2 – L’ouïe
Cette fois, c’est décidé. Je passe un doigt sous un coin de l’emballage. Il cède rapidement en ces deux points d’attache, mais il reste bien plat. J’apprécie particulièrement ce fait. Je pourrai ranger mon chocolat béni correctement. Haute satisfaction.
Le papier d’alu est plus coriace et je le déchire maladroitement. Scotch se redresse et vient s’asseoir avec délicatesse sur l’extrême bord du canapé, les yeux rivés sur l’objet de son potentiel futur délit. J’adore particulièrement le bruissement de l’alu de la tablette de chocolat. Il se froisse d’un rien, et propose un bruit chaud et fouillis, reconnaissable entre 1000 : le bruit de la tentation.
3 – La vue
Bon dieu que c’est beau. Les carreaux sont petits, mais nombreux. Il est écrit FEINE BITTER sur la tablette. Ce qui semble envoyer du lourd en promesse : un chocolat fin, mais riche de profondeur. Les carreaux sont à la hauteur du rêve : épais. Mes dents vont devoir fournir un effort, pour déguster ce met et je n’en suis que plus heureuse. Mâcher permet de libérer les arômes. Et ça, je l’ai appris grâce à la pleine conscience. Les carreaux sont aussi élégants qu’un blazer italien : quelques lignes fines pour enjoliver ces petits pavés cacaotés. 4 carreaux par barrette.
4 – L’odorat
Depuis que j’ai déployé l’emballage, l’odeur chaude et rassurante du chocolat chahute mes narines. Et bien évidemment, la fontaine « salive » est déjà en action. Elle a tapissé ma bouche, prête à accueillir de toute son envie la fête gustative.
Avant de croquer lentement ce chocolat, je le respire. Avez-vous déjà pris le temps de humer ce que vous mangez et surtout ceux vos favoris? Lorsque l’on respire celui-là, il se dégage une odeur de bois et de fleurs vertes et l’amertume des fèves écrasées se révèle.
Aie, aie, aie, aie, aie….
5 – Le goût
Cette fois-ci, c’est la bonne. Alors que je porte le carreau à ma bouche, je déploie mes jambes sur la méridienne du canapé et je cale ma tête sur les coussins.
Feu!
Je croque dans le carreau. « Oh joie de la délivrance de tant de minutes d’espérance et d’imagination de ce moment exquis… » Je croque un petit bout, pour bien en comprendre le sens, me faire un a-priori immédiat et laisser tomber mon jugement quand le goût aura dépassé les papilles de l’amertume. J’ai l’impression que mes muscles déposent leur fatigue en notre humble salon, et que je suis recouverte d’une lourde couverture. Le chocolat croque sous la dent, puis il vient s’agglomérer en poudre fine et humide sur les dents puis sous le palais. Il fond lentement pour dégouliner en sucs chauds dans la gorge. Le chocolat est une bouchée de fainéantise : inutile de mâcher des heures, la chaleur du corps fait son œuvre et libère les nuances. Et ça me va bien de faire la fainéante.
Ce qui est drôle, c’est que j’ai refait un tour de piste des sens et j’arrive à les détailler. Sous la pulpe des doigts, j’ai senti une texture douce comme une peau de bébé. Comme il est frais, elle ne colle pas et ne tâche pas.
J’ai entendu le croc que mes dents dans ce petit carreau de plaisir : le bruit sec du chocolat se brisant sous la dent. Vous le connaissez n’est-ce pas? Et puis, il m’a semblé qu’un léger râle de satisfaction a accompagné le long soupir du bonheur de cette fête.
Mes yeux se sont fermés une seconde. Puis la suivante, ils se sont rouverts et je suis persuadée que le soulagement et la satisfaction se voient sur mes pupilles. Je suis même convaincue que mes yeux sont un peu plissés par la reconnaissance.
J’ai ressenti d’autres parfums en approchant le chocolat de ma bouche, et surtout celle de la plénitude. Quant à mes doigts, ils sont recouverts de cette odeur forte de cacao.
Le goût évolue de tout son long. Depuis la chaleur, en repassant par le dur, un légère candeur dans le sucre. Mon palais est de plus en plus habité par les forces et le caractère tenace de ce chocolat. Je grignote lentement ce carreau, petits bouts par petits bouts. Je sais pertinemment qu’il y en aura un second. Je le prends et continue mon rituel. Les tanins commencent à ensabler mes papilles, et la dégustation est plus longue. Je prends mon temps. Je suis bien, j’ai chaud, je suis confortable.
Je m’arrête là, car tous mes sens sont à leur comble.
Vous devez pensé que tous ces mots et tout ce falbala pour deux carreaux de chocolat sont du domaine du cinéma. Ça ne me gêne pas dans faire des caisses. Auparavant, le chocolat même absolument noir était un aliment tabou. Parmi d’autres, j’entends…. En manger signifiait une telle sensation de peur et de culpabilité que je l’avalais à toute vitesse, coupable d’une faute ignoble. Puis, je me sentais mal. Tellement mal que j’en aurai chialer de dépit. J’en connais même certain(e)s, qui font direct un retour à l’envoyeur pour faire cesser cette mélopée vicieuse de la culpabilité.
Avec la pleine conscience, j’ai réappris à manger, j’ai réappris à me nourrir, j’ai réappris à aimer manger, j’ai réappris à m’aimer. Je ne dis pas que tous les mimétismes et les peurs sont partis, il est parfois des jours où je reste apeurée à l’idée de ….. Il m’a fallu du temps, il m’a fallu me mettre en connexion avec mes sens, à plusieurs reprises. Mais il faut du temps pour tout, ne l’oublions jamais.
Cependant, j’ai repris plaisir à découvrir, à mâcher, à déceler les goûts. Dernièrement j’en ai parlé en classe de nutrition à l’école de naturopathie. Notre formatrice, Hélène Lemaire, m’a confirmé que la dégustation était une base essentielle de la nutrition. Elle a travaillé avec ces deux médecins, qui m’ont soignés : Apfeldorfer et Zermati. Ils ont mis en exergue le travail de la bienveillance sur les problèmes de comportements alimentaires outranciers. Je suis donc dans le vrai, et je suis donc en capacité de vous conseiller de favoriser constamment un contexte positif à tous vos repas, même les plus simples.
Respirez, regardez ce que vous mangez, éteignez cette fichue télé et virez-moi cette saloperie de téléphone portable, évitez à tout pris les discussions houleuses à table.
Bref, faites de votre mieux pour chasser le stress, qui empêchera votre attention de se focaliser uniquement sur votre assiette. Puis, tout à ce contexte favorisé, prenez le temps d’observer, de toucher, de sentir, de mâcher, de déguster, de découvrir quel goût se cache derrière un autre, de ressentir cette fabuleuse sensation de nourrissage du corps et de l’esprit, de l’apaisement de la faim, et in fine du BIEN-ÊTRE. Et même si vous mangez en compagnie, ce qui n’est aucunement un frein à la dégustation.
Il fut un temps où j’aurai gobé littéralement la tablette, sans même en déceler les particularités. Je me serai remplie de chocolat à toute berzingue, en cachette certainement, sans mâcher, pour ensuite me sentir mal et lourde, et malheureuse. Si vous souffrez de ce genre de comportement, sachez qu’il y a une solution. Pour les autres, apprenez à prendre du plaisir et à être dans l’instant. Car tout à cette découverte, votre respiration se calme, votre rythme cardiaque avec… Happy Flow…
Je vous proposerai d’autres exercices de ce type. La psychologie positive est une manne, la pleine conscience en fait intégralement partie.
Et maintenant, c’est à vous. Si vous souhaitez partager cet instant, n’hésitez pas à laisser un commentaire sous ce billet.
Bien à vous.
Nini
Ps: Scotch a fini par tenter d’arracher un morceau d’alu, avec sa pattoune en crochet, mais il n’y est pas arrivé. Vexé, il est parti. Gypsie dormait toujours, toute arrondie.