Pourquoi je n’irai pas voir « Mon Roi » au cinéma?

Image du Film Mon Roi - Maïwenn - &copy STUDIO CANAL
© : STUDIO CANAL

 

Oui, j’irai pas cette fois. Je tomberai pas dans le panneau de l’attraction vicieuse. Le panneau de la soumission silencieuse dont j’ai faite preuve dans mon propre ex-couple pendant 13 ans. Je n’irai pas me brûler les yeux.

J’irai pas parce que je veux être heureuse et que je commence tout juste à retrouver la paix. Malgré les questions qui restent encore en suspens depuis octobre 2011. Depuis qu’on a posé les mots sur ce que je vivais. Depuis que la victimologue m’a dit : « Mais Madame, vous n’avez rien fait de mal, vous êtes son jouet » (CHU Lyon Sud – Suite à ma tentative de suicide pendant la procédure de divorce).

J’irai pas. Mais vous, allez-s-y. Pour me rendre cette justice que je n’aurai jamais…

Je vais aborder un sujet hors contexte. Ni balades, ni découvertes touristiques, ni bio, ni bon, ni relax. Je n’en parlerai qu’une seule fois ici. Cependant, je ressens le besoin de sortir de ma zone de confort parce que j’ai forcément des choses à dire à ce sujet.

Je me rappelle d’un autre film : « Arrêtez-moi! » Un film bouleversant que je suis allée voir en 2013 avec l’Homme. Le nouvel Homme. Avec Sophie Marceau et Miou-miou. Sophie Marceau que j’aime d’amour. Vraiment. Elle me fait penser à ma Véro.

Dans cette histoire, l’héroïne se rend à son commissariat de quartier pour se dénoncer. Elle aurait « assassiné » son mari. Mais cela fait presque 10 ans révolus dans les heures qui suivent. Il risque d’y avoir prescription. Il faut qu’elle paie son crime. Ce crime qu’elle a commis dans un instant tragique où c’était elle ou lui. Elle va donc tenter de convaincre la commissaire de permanence d’être arrêtée. Ce récit est différent du mien. Du moins dans sa finalité. Mais il rejoint ma propre vie. J’ai été bouleversée. Parce que je savais. Je connais les extrêmes que l’on peut atteindre dans ces situations de survie psychologique. J’ai même culpabilisé à l’idée de vouloir m’en sortir. 

Quand je suis sortie du ciné, je me suis encore demandée si je devais rester en vie. C’est ça les relations entre les femmes et les hommes? C’est tellement laid que j’ai peur de m’y casser le nez dessus à nouveau. Un film qui m’a donné envie de hurler de douleur à en perdre la voix.

Image du film "Arrêtez-moi" &copy Rézo Films
© Rézo Films

 

Alors voilà. J’ai lu les critiques des personnes qui ont vu « Mon Roi ». Celles qui ont vécu la réalité de la violence sourde dans leur couple s’y sont reconnues. Elles ont trouvé des similitudes avec leur situation. Enfin celles qui ont pris conscience, car pour les autres elles ne le comprennent pas encore. Peut-être jamais… Je suis même pas sûre qu’on puisse comprendre ce qui se passe si on ne le vit pas.

Alors, on entend parfois des réflexions de merde du genre : « Moi, je comprends pas comment on peut rester? » ou « Si elle reste, c’est qu’elle aime ça! ». Un abruti de collègue m’a même dit un jour : « Mais s’il était comme ça, c’est parce que tu l’as peut-être provoqué, tu l’as cherché »

Je cherchais le Roi!

Je cherchais ouais. Je n’avais aucune chance. Est-ce que quelqu’un peut comprendre cela? Je n’avais pas le droit à la faute. Il faut savoir qu’il n’y a pas une once de chance de trouver son salut à ses yeux. Quoique l’on fasse, ça n’est pas bon. Quoique l’on dise, il fera une crise. Vivre dans la peur de la crise et en même temps vivre dans ce perpétuel espoir qu’un jour, on y arrivera. Un jour, il sera content de moi. Un jour, il me dira que je le rend heureux. Je m’y efforcerai tous les jours. Parfois, il faisait un compliment. Je le vivais comme une délivrance ultime. Et je décuplais encore mes efforts quant à le rendre heureux. Et l’aimer encore et encore. Et le cycle recommençait. Mais pourquoi, ça ne s’arrête pas? Mais parce qu’on ne peut rien dire. Il est parfait.

« Toi, tu n’es qu’une merde! Tu n’es RIEN! » J’entends encore ses mots.

Il est sociable, blagueur, sympa, disponible, généreux. Il choisit ses fréquentations comme des faire-valoir. Oui, il faut le savoir. Son entourage n’est composé que de personnes qui lui ressemblent, mais sur lesquelles il peut avoir de l’ascendant et ce avec certitude. Je l’ai souvent entendu dire de ses propres amis qu’ils étaient stupides. Pire, ceux qui auraient de l’esprit ou de la clairvoyance sont des crétins, des mous, des chiants. Vous comprenez pourquoi? Ceux qui seraient suffisamment armés pour comprendre son fonctionnement et surtout le faire passer pour un con, il doit les éviter.

Briller passe par le pouvoir, le gain, les voitures, le sport, l’hygiène de vie et l’outrecuidance. En fait, c’est un connard que tout le monde déteste dans le fond. Mais personne ne vous le dit. Personne n’a l’audace de vous dire que le boy-friend est un sacré con qui a toujours la bouche ouverte. Il parle trop fort. Il se gausse et s’la raconte. A se rendre intéressant et mentir, il crée des jalousies mais personne ne lui dit. Car il est à la fois admiré et craint. Et lorsque les gens n’ont plus d’intérêt, il les pousse hors de son champ d’actions. Et il les charge et s’acharne sur eux. C’est le jour et la nuit. Il passe d’ami à ennemi. Il brise. Il ne fait preuve d’aucune compréhension.

Même son métier est une prise de pouvoir caché. Il est policier. Il ne veut pas aider l’autre, il veut l’écraser comme une merde. Donnez lui un brin de rien, faites en un cadre ou un gradé et le schéma se répercute au travail. Et s’il trouve un hiérarchique qui le contraint, cela devient une bête à abattre. Quitte a fomenter des coups en douce avec ses comparses convaincus. Au point d’entendre, le jour où le gradé manque d’y passer, que c’est dommage qu’il soit encore en vie. Ou même mieux : « Dommage qu’il n’ait pas fini handicapé, ça aurait pu être drôle ». Évidemment, ce type de propos est tenu uniquement en ma présence. En off! Devant les autres, on est louable ou on fait preuve d’un humour de merde dégueulasse qui ne cache que des vérités.

Alors pour la compagne, c’est pareil. Faut pas faire tâche d’huile. « Faut en foutre plein la vue » selon ses propos. Au point que même pour une soirée entre amis, je passais chez le coiffeur, j’allais faire les boutiques et surtout, surtout : « Tu ne parles pas trop ». Le corps et l’apparence deviennent un challenge, un sacerdoce. Une énième peur. Une phobie. Mais ça n’était pas que ça.

Savez-vous le nombre de fois où j’avais tellement peur que je me pissais dessus?

Tremblante. J’étais prise de secousses nerveuses dont je me souviendrais à vie. Et je faisais pipi sur moi. « Mais t’es folle, ma pauvre fille! Nettoies maintenant ». Comme cette fois où il a défoncé la salle de bain à coups de marteau. Deux ans auparavant, j’avais mal fait le joint d’un carrelage. Une fois la crise passée, il m’a réclamé le seau pour ramasser. Ses mains étaient en sang. La salle de bain inutilisable et j’ai carrelé à nouveau quelques jours après. Quand j’ai eu le courage de lui parler, il a répondu que c’était ma faute. J’avais pas fait les choses correctement. Et j’ai répondu : « Oui, tu as raison, je ferai mieux la prochaine fois. Il fallait que je fasse attention. »

Savez-vous ce que cela induit d’entendre TOUS les jours qu’on est stupide? 

De voir partir un gros coup de poing sur la table qui arrache toutes les tripes d’un coup. Juste parce qu’on a émis l’idée que la CMU était peut-être une bonne chose pour les personnes défavorisées. Il est raciste et déteste l’indigence. Ceux qui sont dans la merde ne sont que des abrutis. Est-ce qu’on l’aide, lui? Non, il se fait seul (avec le porte-monnaie de sa mère). Dans ces moments-là, on ne moufte plus d’une oreille! Parce qu’il a une force herculéenne. Peur de mourir rouée de coups. On retient ces putains de larmes qui montent. Je me disais : « Ne respire pas, surtout ne respire plus ». La cage thoracique se contracte, au point qu’elle devient concave et qu’elle ne bouge plus. Un filet d’air passe. Surtout ne pas trembler. Débarrasser le plancher. Le plus vite possible car il a dit : « Tu m’insupportes! » Ca, c’est une séquelle qui n’est toujours pas guérie. Dès lors qu’on me signifie que je prends trop de place, que je fais trop de bruit ou que je dérange, cette phrase claque dans mes oreilles. Et je fais en sorte de disparaître. 

Savez-vous ce que c’est de faire des stocks d’enduit de rebouchage? Pour réparer les trous faits dans les murs et les portes?

Les poings partent comme ça, à chaque colère. Ca et là. Il y a eu cette fois où il n’arrivait pas à monter son bureau IKEA. On ne pouvait pas compter sur moi. J’étais bonne à rien. Je cuisinais, j’en avais plein les doigts, je pouvais pas venir. « Mais, tu vois bien que j’y arrive pas, là. Tu vois pas, t’entends pas! De toute façon, tu ne fais jamais attention à moi! » Et rac, le pied de la table se fracasse sur la porte qui s’ouvre en deux.

Savez-vous ce que c’est que d’hurler d’effroi dans une voiture lancée à pleine vitesse? Il conduit et il est en colère. 

Oui, parce qu’on s’est rendu à un anniversaire et je n’ai pas surveillé le chien. Un convive lui a donné du saucisson.  Il fonce à 100 k/h sur des routes de campagne en pleine nuit. Il n’est pas content après moi. Et plus je pleure, et plus il accélère. Et puis d’un coup, il pile sur la BAU de l’autoroute. Il sort. Il fait nuit, il ouvre la portière. Il tire sur mes cheveux et dit : « Maintenant, tu prends l’volant et tu la fermes ». Alors c’est emmerdant parce que tu trembles et que tu pleures. Tu ne peux pas conduire correctement. D’ailleurs, il dit que tu conduis mal. Mais si tu fais un faux pas, il hurlera encore.

Savez-vous ce que c’est de ne plus pouvoir inspirer par le nez pendant 4 jours d’affilé? Parce que j’ai pleuré si fort que tous mes sinus se sont arrêtés de fonctionner. D’aller s’asseoir dans la penderie pour se cacher. Parce qu’il dit : « Quand tu pleures, ca fait trop de bruit, j’entends pas la télé! » Alors, là, dans le noir de la penderie, tu te sens protégée. Tu te soustrais à la vie. Tu t’endors là recroquevillée sous tes robes. Et j’espère ne pas me réveiller. J’ai passé une grande période de ma vie où plus une larme ne sortait. Je me rappelle me plonger dans des états seconds pour ne plus l’entendre. Je vivais dans ma tête sur un plan secondaire. Hagarde. J’avais si souvent remarqué que si je ne réagissais pas, il se calmait.

Tout ceci ne sont que des bribes de 13 ans de couple. Chaque jour, chaque minute d’éveil et même la nuit, je me rendais la plus disponible possible pour ne pas craindre les crises et les humiliations. Je dormais avec mon téléphone, je le tenais sur ma hanche en permanence. En réunion. Avec mes copines. Partout. Il fallait que je sois disponible. Dans la seconde. Pour tout.

Un jour, je dois quitter le travail en catastrophe. Cet abruti s’est enfermé dehors en pyjama avec le chien. Ma responsable ne veut pas me laisser partir. « Tu fais comme tu veux, mais tu te démerdes! C’est pas mon problème » J’ai réussi à rentrer. Evidemment, j’ai ramassé. Je ne suis pas arrivée assez vite, y’a que 20 min de route. J’ai cru que mon cœur allait se décrocher ce jour-là. Ca tapait si fort. J’en ai même voulu à ma responsable pour son incompréhension. Il avait d’ailleurs conclu que c’était une grosse conne.

Et les hurlements et les insultes au téléphone. Ca, c’était son truc le téléphone. Recevoir un appel inopiné pour lequel tu ne comprends pas ce qui se passe. Il se met en colère, il n’est pas content et tu ne comprends pas pourquoi. Un jour, il avait perdu un t-shirt rouge. Je suis rentrée avec la peur qu’il ait défoncé la maison. Le T-shirt a été retrouvé au travail le jour même. Et je me suis entendu lui dire : « Super, je suis rassurée ». Nous parlons bien d’un t-shirt rouge. Et les excuses ne sont jamais tombées. Le téléphone, cette arme incroyable pour lâcher sa colère rapidement et efficacement sur l’autre sans qu’il n’ait le temps de se protéger. 

Voilà, sa toute puissance. Quand on se trouve dans un tel état d’angoisse permanente, on se met à faire des choses hors du commun. Ou du moins, hors de toute raison. Pour ne pas qu’il crie. Pour qu’il ne soit pas déçu. Une bonne compagne doit être parfaite, n’est-ce pas? 

Et puis, il me redit. « Sans moi, tu n’es rien. Si je n’étais pas là, tu n’existerais pas. Si je n’étais pas là, tu ne pourrais pas te débrouiller seule. » On finit par le croire, au bout d’un moment. Il parait que c’est un réflexe. On s’accroche de peur qu’il ne nous abandonne. On montre tout l’amour du monde pour qu’il ne parte pas. Maintenant, je me protège. Je ne montre plus rien. Je saurai plus tard qu’il porte cette peur de l’abandon en lui. On inverse les rôles et me voilà à lui prouver que je ne partirai jamais. Il me fait du chantage financier, mes comptes en banque sont bien utilisés.

Il m’a longtemps réclamé un enfant. Je ne lui ai jamais donné. Très vite, au début, tout de suite, il en aurait fallu. Mais j’avais 19 ans, j’étais bien trop jeune. Alors après, ça a été un vice majeur chez moi. Je lui refusais ce point d’ancrage supplémentaire. Celui qu’il aurait voulu pour me tenir à vie. J’ai refusé d’infliger ça à un enfant, la folie de cet homme. Alors, il a dit :« Tu as des problèmes avec la maternité. Tu es une gamine, tu n’as pas grandi ». J’étais bonne à rien. Alors un peu plus, un peu moins. C’est la seule victoire que j’ai réussi à maintenir jusqu’au bout. Et c’est ce qui m’a permise de couper les ponts à vie. A 31 ans, je n’arrivais plus à trouver d’excuses pour ne pas en faire. Maintenir ce vœu a été compliqué.

Affiche du film "Mon Roi" Maïwenn

Et le jeu est sans fin entre brimades et attentions. Parce que quand j’en avais, c’était des attentions sublimes. Il m’a demandé en mariage dans un hélicoptère privatisé. En ayant pris soin de prévenir tout le monde. Belle-famille et amis. Et c’était pas pour me traiter comme une reine, c’était pour en foutre plein la tronche à tout le monde. Cette demande en mariage, je l’ai attendu pendant des années. Il n’en voulait pas. Je n’étais pas bonne à marier. Un jour, son meilleur pote a fait sa demande à sa future épouse. Jaloux, il en a fait autant avec moi. Il voulait briller lui aussi.

J’étais responsable de sa vie de merde. Selon lui, je n’étais pas ambitieuse. Je ne comprenais pas le français. J’étais lente. J’avais peu d’amies parce que j’étais pas intéressante. Le peu que j’avais, c’était des bécasses ras-les-pâquerettes! « Celle-là, j’veux pas la voir ici! » Toute ma famille, je n’en parlerai pas pour ne pas les blesser. Il était menteur. Il racontait des craques sur tout. Son lieu de naissance. Son hygiène de vie. Moi je pouvais dire que c’était faux. Je le voyais. Et tout le monde de le croire en permanence, tout le temps. De lui donner de l’importance. De nourrir sa soif de reconnaissance.

J’ai souvent songé à mourir. Le nombre de fois où j’ai ouvert la fenêtre de la chambre et où je regardais en bas. Du haut du 4ème. « Mais saute, bordel, saute. Ça sera fini. » Et je m’en voulais parce que je n’y arrivais pas. J’ai ouvert les yeux lors de notre retraite religieuse pour notre mariage. Là, il y avait de vrais couples. Des gens qui s’aiment en dépit de tout. Et quand je lui ai dit, lors d’un atelier que je n’en pouvais plus, il m’a répondu que tout pourrait aller bien mieux si je faisais ce qu’il demandait. On aurait pas autant de problèmes et il m’a conseillé d’aller voir un psychologue pour me faire soigner. Quelques mois plus tard, j’ai enfin trouver le courage de partir.

Et là, sa colère a été dévastatrice. Les gens se sont rendus compte car il a fauté à plusieurs reprises. Il s’est montré violent et agressif. J’ai pris des secousses encore plus fortes. Je n’avais finalement rien vécu avec lui. Le pire était là. J’ai pris conscience et j’ai commencé à comprendre. J’ai finalement choisi de mourir. J’ai voulu me défenestrer mais j’ai été rattrapé au dernier moment sur le rebord de la fenêtre de notre appartement. J’ai rencontré des spécialistes de la Psychologie. Des médecins. Mon avocate. J’ai trouvé des amies. J’en ai perdu d’autres, mais finalement j’ai fait un super tri.

IL A FALLU SE BATTRE CONTRE CETTE IDÉE

 

J’ai été usurpée, manipulée, humiliée et réduite. J’ai supporté des heures de tensions terribles. Je me demande comment j’ai pu tenir. Je le dois uniquement à la loyauté portée à mes parents. J’ai tenu pour eux et ma sœur. J’ai finalement lâché prise quelques mois après son décès. C’est ce qui fait que je refermais la fenêtre quand j’avais envie d’en finir. Et j’arrête là pour la parenthèse sentimentale parce que c’est pas l’objet de ce post. Je n’ai même pas envie qu’on me plaigne. Déjà assez honte toute seule. J’aimerai que les gens comprennent pour arrêter d’être prise pour des idiotes sans cervelles qui aiment se faire torturer.

Je ne sais pas comment les autres ont tenu? Je ne sais pas comment celles qui le vivent tiennent elles-mêmes?

Un goût profond pour la vie surement. Malgré le fait qu’on ne s’aime pas beaucoup. Parce que c’est là notre problème. On ne s’aime pas. Je l’ai écrit ici parfois, je me suis détestée beaucoup, fort et longtemps. Et avec ce trouble en plus, c’est la confiance en soi qui prend. Pourquoi? Parce qu’on a la sensation d’avoir donné pour rien. D’avoir donné alors qu’on n’était pas aimée. C’est dur de comprendre que les pervers narcissiques ne sont pas en capacité d’aimer. Il le croit à leur stade mais ils ne le peuvent pas. Ils ne savent pas aimer.

On m’a parlé de son mécanisme d’autodéfense et de ses blessures de l’enfance. On a tenté de m’expliquer ce qu’il était, pourquoi il réagissait ainsi. Mais c’est presque le comble. C’est comme dire à une mère dont l’enfant est poignardé que l’auteur du crime n’a pas conscience du mal qu’il fait. C’est même pas audible. C’est même pas pensable. Plaider la folie, une enfance triste, un mère fusionnelle, un inceste, un viol. Quelles raisons peuvent pousser des hommes à ne répandre que le mal? A abuser de la confiance et de la vie d’une personne aimante? Aucune de ces circonstances. Aucune excuse.

Des hommes et des femmes d’ailleurs. Des parents. Des amis. Des collègues. On s’aperçoit que ce genre d’allumé(e)s sont présents partout. Et là, la vie bascule parce que vous vivez dans la hantise de retomber dessus. Tout est analysé, le mot confiance ne peut même plus exister dans le dictionnaire. Je n’ai plus confiance en les hommes. Le premier qui hausse le ton me projette dans cet espace temps infernal.

Imaginez vous que l’on vous dise que ce qui vous arrive, c’est issu de l’amour que l’on ne porte pas. C’est encore le poids d’une énième culpabilité!

Je souhaite aussi revenir sur l’aide. Cette fameuse aide dont les gens veulent faire preuve par voyeurisme. Quand j’en parle, il y a ceux qui me disent gauchement : « Arrête d’en parler parce que c’est le faire grandir, c’est lui donner de l’importance ». Ben et moi, alors? Merde? Et moi? Ce que je dis ne compte pas? Pourquoi je devrais garder le silence? C’est quoi cette philosophie du déni du malheur d’autrui?

Laissez les gens parler de leur souffrance et si ça vous saoule, passez votre chemin. Mais ne leur mettez pas dans la tronche qu’il faut passer à autre chose. Avez-vous conscience de cela? On ne peut pas. Quand j’en parle, je n’ai pas envie d’entendre que mon histoire saoule. J’ai donné 13 ans de ma vie à ce malade. Il m’en faudra certainement autant pour oublier. Parce que je vis, je respire, j’ai des souvenirs. Parce qu’il y a encore des instants refoulés qui remontent. Et que je peux pas les contrôler. Parce que je lutte toute seule.

C’est pire qu’une baffle dans la gueule. Je ne peux pas. Mon comportement, ce que je suis aujourd’hui est le fruit de ses années de torture psychologique. Je ne radote pas, je prends encore conscience parfois. J’ai des peurs aussi. Elles sont nombreuses.  J’ai en horreur les hommes qui ne respectent pas les femmes.

Alors voilà, pendant un moment, j’ai écouté, compris, j’ai eu mal de comprendre. J’ai flirté avec toutes ces notions. Je voulais m’engager dans des associations. Et puis, je me suis rendue compte que mon salut à moi, c’était de me tourner vers de nouveaux horizons. C’est pas facile et j’ai des séquelles. Peut-être que certaines ne guériront jamais. Mais c’est pas grave, ça sera ma vie et ça sera MOI.

Je voudrais dire à toutes les femmes fracassées par leurs partenaires que je les aime. Vous méritez tellement autre chose.

Je voudrais leur dire que je sais. Il n’y a pas de chemin de l’oubli. L’acceptation est longue. Ça fait que 4 ans et je me sens encore triste et j’ai toujours cette sensation de honte qui me traine dessus. Et que parfois, j’ai de la violence en moi, ça me fait mal aux mains et que ça veut pas dire que je suis devenue comme LUI. C’est juste la rage qui sort.

Il n’y aura plus jamais de Roi.

Belle soirée à tous

Delphine

Où en suis-je en 2017? 

Mon regard sur cette étape de ma vie a beaucoup changé. Je ne me définis plus au travers de ces traumatismes. Je peux même affirmer ouvertement que je me suis rendue victime de cet homme. Oui, la position de victime se choisit. Elle se décide. Souvent inconsciemment, mais elle se choisit. Cela peut être difficile à lire mais on subit notre propre positionnement.

Je peux également affirmer que cette vie-là me semble si loin que j’ai parfois la sensation de ne même pas l’avoir vécue. Le cerveau est une machine merveilleuse qui nous fait absorber la souffrance et la transforme en ressource. Aujourd’hui, je suis en capacité de dire que je possède une force herculéenne. Je suis une guerrière. Ou du moins, je me définis comme telle. Je ne tolère plus que quiconque me parle de travers ou me maltraite. J’ai peur de peu de choses, je me sais capable de supporter le pire. Et je n’ai plus envie de mourir.

J’ai donc tiré partie de cet épisode de ma vie. J’ai développé beaucoup d’indépendance, je peux m’auto-suffire même si ça n’est pas ce à quoi j’aspire. Car oui, je suis en couple aujourd’hui. L’envie d’aimer est revenue. J’ai mis longtemps à me débarrasser de ma haine des hommes. Ou décider de ne plus les voir comme des dangers. J’ai cessé de faire des généralités. Je n’avais connu que lui dans ma vie. Je ne pouvais pas propager l’idée que j’en avais sur tous les autres. Il y a des hommes bons et respectueux avec les femmes et ils sont nombreux heureusement.

En revanche, j’ai développé des mécanismes de défense tels que je peux parfois me raidir de trop. J’ai toujours énormément de mal avec les éclats de voix. Un homme (amoureux ou autres) en colère ne m’impressionne plus. En revanche, je réplique avant même qu’il n’ait le temps de dire quoique ce soit. Je n’ai plus peur du conflit. Je l’assume et je le provoque. Un haussement de ton et je sors l’armure et le glaive. Je tranche dans le vif immédiatement. Je protège mon cœur. Je suis une reine d’épée. Je montre peu de sentiments même s’ils sont présents. Et je ne fais plus dans la dentelle. A regret parce que je suis une vraie aimante. Mais j’ai trop peur d’être prise en défaut.

Les bruits de claquements, de freins stridents, de fracas me terrorisent toujours. Je déteste toujours être chahutée au téléphone. Je ressens immédiatement de l’insécurité. Ma main est posée sur le fourreau imaginaire de mon épée. Si j’estime qu’on me manque de respect, je m’érige, je tiens en joue, je griffe puis je disparais.

Il y a encore du travail, mais on est sur la bonne voie. Je suis de plus en plus apaisée quoiqu’il en soit.

Cet article a 11 commentaires

  1. babouche
    Maintenant il est le Roi d’une autre.
    Oublié ? Pas possible d’effacer cette cicatrice, mais elle se referme petit à petit pour ne laisser que le meilleur pour continuer à Vivre.
  2. manini26
    : Oui, c’est cela, il est le roi d’une autre, qui aura mal un jour. Et le cycle continuera. Il fera des cicatrices partout. Je me demande comment il est sera possible d’enrailler la machine. Moi je suis sauve, mais les autres?
  3. Manu
    Un article perso très poignant, et peu importe que tu t’ écartes un peu de ta ligne editoriale habituelle. Je trouve ton récit touchant et en même temps plein d’espoir, car tu as su le quitter, et dieu sait à quel point c’est difficile de se libérer de l’emprise d’une telle personnalité.
    Tu soulignes très justement toute l’horreur des maltraitances psychologiques, qui ne sont pas moins dangereuses que la violence physique. Je les trouve plus insidieuses encore, car les cicatrices qu’elles laissent ne sont pas directement visibles, et qu’elles sont jugées bien plus subjectivement : il est communément admis que frapper sa femme n’est pas tolérable, mais quelle est la limite entre une dispute ou un reproche mal vécu par une compagne trop sensible, et une violence psychologique quotidienne et répétée ?
    Je pense même que dans certains cas les victimes n’ont pas conscience d’être victime, toute la puissance du pervers narcissique étant de les persuader qu’elles ne sont effectivement pas à la hauteur.
  4. manini26
    : Merci ma manu. Tu as une réflexion très juste sur ce contexte. On réalise un jour, comme ça, sans vraiment comprendre pourquoi ça ne va pas et l’instinct de survie fait alors son œuvre. C’est finalement une retraite spirituelle, qui m’a ouvert les yeux (Qui aurait pu penser que ça soit la religion, à mon niveau d’ailleurs, moi qui n’ai jamais vraiment cru en Dieu). Mais si on n’a pas ce déclic, comment faire? C’est bien cela, qui me travaille le plus. Celles et ceux, qui sont dedans.
  5. Dom
    Mais maintenant l’Homme (comme tu l’appelles) est là, il sait ce que tu as vécu, il faut avancer avec lui et ne plus t’autodétruire. Soyez positifs ensemble, tu en as besoin, et lui aussi…
    Bises
  6. manini26
    : Oui, je suis dans une vraie démarche de développement personnel positif, que je compte d’ailleurs partager ici, tout bientôt. Des astuces, des idées, des petits bonheurs en pagaille. Et l’amour en fait partie. C’est un des meilleurs remèdes. 😉
  7. Mademoiselle Clef
    Waou ! J’avais réellement envie de voir ce film pour essayer de comprendre tous ces mécanismes et toutes ces questions que tu as posé au début de ton article ! Mais avec ce que tu as écrit, je crois que je vais me précipiter au cinéma dès cette semaine. Effectivement, je suis comme beaucoup de monde à ne pas comprendre comment on peut rester, comment on peut supporter cela… Et je pense que je vais regarder le film avec Sophie Marceau également ! Merci pour tout ça !
  8. manini26
    : Je serai curieuse que tu reviennes me dire ce que tu en as pensé. Ce que tu as perçu. Si tu as l’occasion de voir ces deux films, n’hésites pas à revenir me laisser un mot ici. Belle journée à toi. Delph.
  9. Marion
    Bonjour Delphine,
    Merci pour cet article extrêmement bien construit.
    A l’heure d’aujourd’hui je ne serais pas en dire autant.
    Comme quoi, le hasard de mes lectures m’a fait tomber sur ton article. Je dois dire que je m’y reconnais un peu. Non pas dans une relation amoureuse, mais professionnel. Je passe par ces étapes, ma chance est d’avoir été avertis à l’avance de ce caractère bien particulier…
    Mais pourtant, j’ai cru que ça aller être différent avec moi. Je sais aujourd’hui que non. Heureusement j’ai compris que l’on ne pouvait rien attendre de ce genre de phénomène… Je crois que tout repose là dessus, dans mon cas. Il ne faut surtout pas que je fonde d’espoir dans ce job, et que je ne cherche plus trop à faire mes preuves (je suis pourtant de nature perfectionniste!). Puisque, de toute façon, ça n’ira jamais. Mais encore une fois, je me sens chanceuse d’avoir été avertis de la pathologie de cette personne, dire comment serait un peu compliqué. Malgré moi, je remarque que je dois devenir calculatrice pour tenter de tenir encore un peu. Mais la seule solution sera de partir, personne ne peut contrer un pervers narcissique. Je me demande même si l’on peut guérir ? Cette période de travail se termine dans 1 mois et demi, je vois le bout.
  10. manini26
    : Courage ma Belle. Si tu sais, ça permettra de tenir. En revanche, cela n’empêche que la déconvenue est toujours difficile malgré tout. D’autant plus, si tu avais mis des espoirs dans ce travail.
    Surtout, n’hésites pas à revenir sur ce que tu as vécu. Même si tu savais, même si on t’avait prévenu, même si tu t’es aperçue, il est important de dire ce que cela aura occasionner chez toi, et notamment une sorte de défiance automatique envers les gens, ou peut-être tes futurs employeurs.
    Je te souhaite que tout ceci se termine le plus rapidement possible et que la pression retombe.
    A très vite, si tu veux.
    Delph
    1. Rionmaë
      Merci beaucoup ♥

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